Dans un jugement du 9 février 2024, (TA Bordeaux, 9 février 2024, n°2104028), le Tribunal Administratif de Bordeaux est venu censurer un refus de permis de construire portant sur la construction d’une centrale photovoltaïque émanant de la Préfecture de la Gironde.

Faits :

La Préfecture estimait que le projet ne respectait pas les dispositions de la loi dite « Littoral ». La Commune sur laquelle le projet doit venir s’implanter est, en effet, une commune soumise à ladite loi « Littoral ».

A ce titre, toute nouvelle construction ne peut être autorisée, sur le territoire de cette Commune, qu’à la seule condition qu’elle s’opère « en continuité avec les agglomérations et villages existants » au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

Or, l’environnement du projet se présentait, notamment, comme suit :
– au Nord : une plantation de vignes et quelques habitations, situées à une quarantaine de mètres et dont les parcelles cadastrales sont mitoyennes des parcelles cadastrales du projet ;
– à l’Est : une plantation de vignes, un bois et le centre-bourg de la Commune, comprenant notamment la mairie, une salle des fêtes, une église et des commerces. Les maisons les plus proches du projet se situent à 40 mètres.

La Préfecture mettait en avant que le projet de construction d’une centrale photovoltaïque n’était pas réalisable puisque, bien qu’à proximité du village, ledit projet n’était pas en « continuité » d’agglomération, en application de la notion des « compartiments ».

Madame la Préfète de Gironde avait, le 5 mai 2021, refusé le permis de construire en mettant que le projet était situé à plus de 400m du centre de la Commune .
Le pétitionnaire avait été contraint de saisir le Tribunal Administratif de Bordeaux de ce litige.

Le jugement :

Le Tribunal Administratif a considéré, pour sa part, que le projet respectait les dispositions de la loi dite « Littoral » :

« 4. En l’espèce, selon la carte communale de J., la structure urbaine de cette commune se caractérise par la présence de quatre villages, à savoir LC, D, L et J. Contrairement à ce que fait valoir le préfet de la Gironde, le terrain d’assiette du projet de la SAS X, situé sur le lieu-dit P classé en zone NC, jouxte dans sa partie nord, des constructions pavillonnaires appartenant au village LC. Il ressort des pièces du dossier que le secteur de LC comprend un nombre significatif d’habitations dans une zone suffisamment dense et notamment la mairie, une salle des fêtes, une église et des commerces, de sorte qu’elle doit être regardée comme un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. En outre, il ressort également des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet est bien adossé au nord à plusieurs habitations, lesquelles sont elles-mêmes en continuité avec l’ensemble des constructions avoisinantes du village. Au demeurant, l’espace boisé, s’étendant sur une centaine de mètres dans la partie nord-est du projet litigieux, et le chemin communal de P ne sauraient constituer des ruptures d’urbanisation du village LC, qualifié comme tel par la carte communale de la commune, avec le terrain d’assiette du projet qui constitue un ensemble rattaché au nord du village existant, et non un compartiment dissocié dudit village. Au surplus, la distance du terrain en litige par rapport au centre de la commune, d’environ 430 mètres, est sans incidence sur la caractérisation de la continuité du projet avec la zone déjà urbanisée dès lors que la parcelle en cause est bien adossée au village existant. Dans ces conditions, le projet relatif à l’implantation d’un parc de production d’électricité composé de panneaux photovoltaïques, doit être regardé comme une extension de l’urbanisation réalisée en continuité du village existant « LC », au sens des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Le préfet de la Gironde a commis une erreur d’appréciation, en méconnaissance de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, en estimant que le projet de la société requérante n’était pas réalisable dans la mesure où il ne se situe pas dans une zone d’urbanisation diffuse. »

Les leçons à tirer du jugement

Ce jugement est une parfaite illustration de l’appréciation in concerto opérée par le juge quand il est confronté à la loi dite « Littoral »

Le juge administratif analyse la continuité immédiate du projet en prenant en compte :
– le nombre des constructions ;
– la continuité des constructions présentes avec d’autres constructions avoisinantes ;
– si une route ou un élément naturel isolent les constructions à proximité du projet du reste du village, créant une rupture d’urbanisation.

Dans son jugement sur la présente affaire, le Tribunal Administratif a conclu à une densité de construction suffisante en continuité d’urbanisation.

Au passage, le Tribunal a invalidé un argument opposé trop souvent par les services instructeurs. Ces derniers, en effet, on tendance à analyser la continuité d’urbanisation en prenant en compte la distance séparant le projet du centre du village le plus proche.

Le Tribunal Administratif de Bordeaux rappelle que la continuité d’urbanisation s’étudie par rapport aux constructions à proximité immédiate du projet et non pas par rapport au centre du village :

« Au surplus, la distance du terrain en litige par rapport au centre de la commune, d’environ 430 mètres, est sans incidence sur la caractérisation de la continuité du projet avec la zone déjà urbanisée dès lors que la parcelle en cause est bien adossée au village existant. »

Une clarification bienvenue tant la pratique montre des analyses inverses des services instructeurs !

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